Trois contes

Le recueil Trois contes, comprenant Un cœur simple, La Légende de saint Julien l’Hospitalier et Hérodias, se présente comme un triptyque traitant de l’époque moderne, du moyen-âge et de l’antiquité. On découvre à chaque fois un univers cruel marqué par la présence du surnaturel et de la sainteté. L’unité du style est rendue par la virtuosité et la puissance d’évocation à dépeindre atmosphères et personnages. L’œuvre renoue avec d’anciens projets de l’auteur. C’est la dernière qu’il pourra achever. Le livre paraît le 24 avril 1877 chez l’éditeur Georges Charpentier.

Les critiques sont assez favorables mais l’ouvrage se vend mal. Flaubert écrit à Maxime Du Camp : « La guerre de 1870 a tué L’Éducation sentimentale, et voilà un coup d’État intérieur qui paralyse les Trois contes, c’est vraiment pousser loin la haine de la littérature. »

Un cœur simple

À la suite une déception amoureuse, Félicité, âgée de dix-huit ans, entre au service de Madame Aubain, à Pont-l’Évêque. La jeune bonne se consacre à la maison et aux enfants, Paul et Virginie, pour lesquels elle éprouve une grande affection. Mais ils s’éloignent, l’un après l’autre, et Félicité perd son cher neveu Victor. Quelques temps après, Virginie meurt à son tour. Félicité reporte alors sa tendresse sur Loulou, un perroquet qu’elle a reçu en cadeau.

Devenue sourde, la vieille servante s’isole du monde avec son perroquet. Quand elle le découvre mort, elle décide de le faire empailler et lui voue alors une véritable passion. Madame Aubain meurt à son tour. Malade et aveugle, Félicité ne vit plus que dans l’unique souci des reposoirs de la Fête-Dieu. Pendant que la procession parcourt la ville, elle agonise et, dans une ultime vision, le Saint-Esprit lui apparaît sous les traits d’un gigantesque perroquet.

Ce conte, c’est toute une vie de femme banale, ponctuée de séparations et de deuils, et qui s’achève dans une extase mystique. Le personnage de Félicité, traitée avec une douce ironie, lui a sans doute été inspiré par Mademoiselle Julie, la servante de son enfance.

La Légende de Saint-Julien l’Hospitalier

Il s’agit d’un conte médiéval inspiré d’un vitrail de la cathédrale de Rouen et d’un passage de La Légende dorée de Jacques de Voragine. Des châtelains vivant en paix reçoivent à la naissance de leur fils d’étranges prophéties : Julien deviendra saint mais connaîtra la gloire et le sang. Enfant, en tuant de petits animaux, Julien prend goût à la violence.

Il devient vite un chasseur redoutable qui trouve son plaisir dans le carnage. Un jour, il abat un cerf qui lui prédit qu’il assassinera son père et sa mère. Épouvanté, Julien s’enfuit. Il erre, mène une vie d’aventurier et épouse la fille d’un empereur. Un jour, au retour de la chasse, il tue un homme et une femme couchés dans sa chambre. Il vient de tuer ses vieux parents, partis à sa recherche et recueillis par sa femme. Alors il abandonne tout, devient mendiant, se consacre aux autres et à la prière. Une nuit, au bord d’une rivière, il est réveillé par un lépreux qui souhaite la traverser. Julien l’invite dans sa cabane, le nourrit et lui cède son lit. Le lépreux n’est autre que le Christ, venu chercher le pécheur repenti pour l’emporter au ciel.

Hérodias

Le conte se déroule en vingt-quatre heures dans la citadelle de Machærous, sur les bords de la Mer morte. Le tétrarque Hérode Antipas y détient un prisonnier hors du commun : Iaokanann (Jean-Baptiste). Devant le proconsul romain et toute l’assemblée, Iaokanann profère des malédictions contre le tétrarque et Hérodias, sa seconde épouse, qui, emplie de haine, souhaite la mort du prophète.

Lors du grand festin organisé durant la nuit pour l’anniversaire d’Hérode, une magnifique jeune danseuse paraît. Fasciné et enivré, le tétrarque promet de lui offrir tout ce qu’elle voudra ; elle demande alors « la tête de Iaokanann ». Hérode ne peut se dédire. Hérodias a obtenu sa vengeance car la danseuse est Salomé, sa propre fille arrivée de Rome le jour même.

Dans cette intrigue sanglante, biblique, politique et érotique, Flaubert a repris la documentation utilisée pour Salammbô et La Tentation de saint Antoine.