L’éducation sentimentale

Flaubert travaille sur son grand roman « parisien » à partir de 1864. Il situe l’action entre 1840 et 1863, années qui voient à la fin de la Monarchie de Juillet, les révolutions de 1848 et le Second Empire. Pour s’imprégner du contexte social, il étudie les lieux, se documente sur les idées politiques et le socialisme. Si Flaubert reprend des éléments autobiographiques pour ce roman d’apprentissage, son ambition est plus vaste : « Je veux faire l’histoire morale des hommes de ma génération ; “sentimentale” serait plus vrai. » Il décrit les vies banales de Frédéric Moreau et de ses amis, sans les juger et sans s’attendrir, avec une sorte de pessimisme ironique.

On peut parler d’un « roman naturaliste » avant l’heure, montrant le tragique de la condition humaine ordinaire, une littérature sans héros qui sera mieux comprise au XXe siècle. En effet, la publication du livre en novembre 1869 déçoit. Flaubert écrit à Tourgueniev en février 1870 : « Je ne suis pas étouffé sous les roses [...]. Je trouve […] qu’on a été injuste envers moi. Rien n’est plus sot que de se prétendre incompris. C’est ce que je pense néanmoins. »

L'histoire

Sur le bateau qui le ramène à Nogent, un jeune étudiant rêveur et velléitaire, Frédéric Moreau, fait la connaissance de Jacques Arnoux, propriétaire de journal et marchand d’art, et tombe éperdument amoureux de Madame Arnoux : « Ce fut comme une apparition. » Après avoir revu sa mère et son ami Deslauriers, il retourne à Paris. Il va y côtoyer plusieurs milieux : la bourgeoisie et le demi-monde avec les Arnoux où la réserve de Marie contraste avec le comportement débauché de son époux, le milieu d’affaires chez les Dambreuse, et le milieu révolutionnaire et bohème de ses amis. Parmi eux, Deslauriers privilégie son ambition personnelle.

Frédéric est ballotté par les évènements comme il l’est dans sa vie amoureuse. Sa passion platonique pour Madame Arnoux est profonde mais intermittente. Il entretient une liaison avec Rosanette, dont l’enfant ne survivra pas. Il devient l’amant de Madame Dambreuse, pensant même l’épouser. Il cultive aussi l’amitié de Louise Roque, et songe à réaliser avec elle un mariage bourgeois. Mais il est trop tard, Louise a épousé Deslauriers. Ce foisonnement de péripéties, émaillé d’occasions manquées, de quiproquos, de revers de fortune et même d’un duel, se passe sur fond d’agitation politique. Mais, comme les amours de Frédéric, les élans révolutionnaires ne se concrétisent pas. À la fin du roman, bien plus tard, Frédéric revoit Marie Arnoux mais il ne se passe rien. Puis, la dernière scène montre Frédéric et Deslauriers regretter leurs frasques d’adolescents.

C’est une grande fresque sociale ainsi qu’un faux roman d’apprentissage.