En 1845, Flaubert est très impressionné par La Tentation de saint Antoine, un tableau alors attribué à Brueghel le Jeune qu’il découvre à Gênes. Cela le conduit à écrire, sur ce thème, un poème en prose, lyrique, fantastique et métaphysique. En 1849, il en fait la lecture à ses amis Du Camp et Bouilhet et reçoit un jugement définitif : « Nous pensons qu’il faut jeter cela au feu et n’en jamais reparler. » Il tente cependant une seconde version en 1856 puis une troisième, largement remaniée. « C’est l’œuvre de toute ma vie », écrit-il à Marie-Sophie Leroyer de Chantepie (lettre du 5 juin 1872).
L’œuvre se présente alors comme un drame en sept tableaux. Ce poème en prose sur la vanité du savoir humain, corrosif et visionnaire, renvoie dos à dos science et religion. Cette œuvre symboliste contient des tableaux d’une grande beauté plastique. Le livre, publié en 1874 chez Charpentier, connaît un succès de curiosité.
L'histoire
Antoine, retiré en Thébaïde, mène une vie ascétique consacrée à la prière. Il dialogue avec des apparitions successives. Puis, évoquant ses souvenirs, il est assailli par d’anciennes tentations : visions de luxure, séductions du pouvoir ou de la volupté. Son disciple Hilarion, représentant le démon, lui expose alors « tous les dieux, tous les rites, toutes les prières, tous les oracles », soulignant les contradictions des Écritures. Puis, il lui dévoile les sciences de la vie et les secrets de l’univers.
Antoine s’émerveille du foisonnement de la nature : « O bonheur ! O bonheur ! J’ai vu naître la vie, j’ai vu le mouvement commencer. Le sang de mes veines bat si fort qu’il va les rompre. [....] Je voudrais […] pénétrer chaque atome, descendre au fond de la matière – être la matière. » Mais alors, le visage du Christ apparaît dans le soleil levant.